RADIO TÉLÉVISION SUISSE | 24 January 2018

Tom Hägler of RTS has reviewed Future Love. Desire and Kinship in Hypernature, an exhibition of artworks that explore technologically mediated intimacy in the modern world at HeK Basel, and which features !Mediengruppe Bitnik (article in French).


Une exposition examine l’impact de la technologie sur notre sexualité

By Tom Hägler

Notre vie affective est de plus en plus influencée par les technologies. L’exposition “Future Love” à la Maison des Arts Electroniques de Bâle explore la question de l’intimité, jusqu’au 15 avril.

Peut-on numériser un baiser? Voilà la question que pose le duo d’artistes hollandais Lancel/Maat. Leur réponse: oui, c’est possible. Leur installation “E.E.G. KISS” mesure à l’aide d’un casque les ondes cérébrales de visiteurs en train de s’embrasser. Les  données recueillies, telles une partition, sont ensuite projetées au sol et retranscrites en sons. S’ils le souhaitent, les visiteurs peuvent emporter la version numérique de leur baiser sur une clé USB ou la charger sur le Cloud.

Que nous disent les données issues de ces baisers? “Cette installation parle des données et de l’intimité. Qu’est-ce que l’intimité, et comment le tournant numérique transforme-t-il notre monde? Peut-on mesurer l’intimité? Voilà les questions auxquelles nous aimerions répondre”, explique l’artiste Hermen Maat.

Et, en tant que visiteur, une autre question vient à l’esprit: comment préserver l’intimité de nos données? Quelles sont les conséquences de la transformation de l’intime en données numériques?

Rendez-vous galant avec un robot

Le duo d’artiste suisses !Mediengruppe Bitnik s’empare, lui aussi, de ces questions avec son installation “Ashley Madison Angels at Work in Basel”. Le contexte: en 2015, on a découvert que le portail de rencontres en ligne Ashley Madison utilisait sur ses tchats 75’000 robots, ou “chatbots”, chargés d’attirer des hommes du monde entier vers des tchats payants. Ces hommes ont donc eu l’impression de flirter avec des femmes en chair et en os, sans remarquer qu’il s’agissait en fait de robots.

Le duo donne un visage à cinq de ces robots: ces avatars féminins portant des masques sont affichés sur de grands écrans et flirtent avec les visiteurs. Lorsque l’on se tient devant eux, on ne peut que constater la distance qui les sépare d’êtres humains doués d’intelligence. Et pourtant, des hommes les ont bel et bien considérés comme des êtres humains. Serais-je moi aussi tombé dans le piège? Est-ce cela que nous réserve l’avenir?

De la nécessité d’un regard critique

L’exposition “Future Love” ne se veut pas moralisatrice. “Il ne s’agit pas de remettre en question les nouvelles technologies”, précise Boris Magrini, le curateur de l’exposition.

En revanche, “il faut adopter un regard critique. Pourquoi les apps de rencontres en ligne existent-elles? Quelle est la pensée en toile de fond? Qui se tient derrière tout ça? Mais être critique, cela veut dire aussi participer. Cela permet de mieux comprendre ces processus et de pouvoir y réagir”, précise-t-il.

Sortir de sa zone de confort

Et justement, la Maison des Arts Electroniques de Bâle donne l’occasion au visiteur de participer. Par exemple avec l’installation “Truth Table” de l’artiste britannique Ed Fornieles. On s’allonge sur un matelas, on chausse une paire de lunettes de réalité virtuelle et… on a un rapport sexuel virtuel avec différents avatars. Homme ou femme, on ne sait pas dans le corps de qui l’on va se retrouver, c’est le hasard qui décide. Et c’est comme ça que je me retrouve à genoux devant un homme nu, une situation que je n’aurais jamais choisi volontairement…

Ed Fornieles va à rebours de la logique des environnements en ligne, au sein desquels nous avons l’habitude de n’être confronté qu’à ce que nous connaissons déjà. “C’est un travail intéressant car il nous pousse à sortir de notre zone de confort. Peut-être qu’un logiciel de ce type pourrait inviter à être plus tolérant et plus ouvert”, espère Boris Magrini.

Le futur, c’est déjà aujourd’hui

L’exposition “Future Love” exige en tout cas une certaine ouverture d’esprit. A première vue, certaines de ces œuvres semblent utopiques et abstraites, comme celle de l’artiste slovène Špela Petrič, qui veut créer une espèce hybride entre l’être humain et la plante, ou celle de Chloé Delarue, artiste suisse, dont l’installation représente un laboratoire génétique illégal qui permettrait de rendre l’espèce humaine stérile.

Mais malgré son titre, l’exposition “Future Love” nous parle bien du présent; les questions que posent les artistes nous concernent déjà aujourd’hui.

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